Vincent Delerm lâche du lest
Il sait qu’il en agace certains, mais le chanteur trentenaire a décidé de ne pas s’en soucier. Avec son quatrième album, sorti cette semaine, il retrouve l’état d’esprit du premier. Plus « détendu », mais toujours aussi doué pour pointer les tics d’une époque.C’EST comme ça. Vincent Delerm sera toujours mal coiffé, mal rasé. Il emploiera encore des noms propres, ne sera jamais un grand chanteur. « Et alors ? » semble dire son nouvel album sorti cette semaine. Le titre annonce la couleur : « Quinze Chansons », dans un quatrième disque à prendre ou à laisser, bijou d’écriture et d’arrangements.
Pour en parler, l’artiste donne rendez-vous en bas de chez lui, dans un bistrot du IX e arrondissement de Paris. Il commande une saucisse-lentilles, un verre de vin rouge et communique son enthousiasme. « Je suis assez tranquille avec ce disque. J’ai fait les chansons les unes après les autres, sans véritable cohérence, d’où le titre. Je ne me suis pas posé de questions, j’ai lâché du lest, je me suis détendu. »
Il l’était moins avant, agacé par les critiques. « Je ne me suis pas miné avec cela mais j’ai aussi entendu ceux qui disaient : J’te mets deux noms de rue et j’te fais une chanson aussi. Sur le précédent disque, j’ai fait attention à ce qu’il y ait moins de noms propres, à ce que les orchestrations soit différentes pour ne pas m’enfermer dans un truc. J’ai vu que je pouvais faire autrement. J’ai trouvé cela ni mieux ni moins bien. Mais je suis allé au bout. »
Il préfère détours et sous-entendusA 32 ans, Vincent Delerm a moins de choses à prouver, peut se permettre de comparer son nouveau disque au premier, dans cette façon d’écrire et de composer sans s’interroger sur le qu’en-dira-t-on. On lui souffle aussi que la paternité est peut-être passée par là, depuis qu’un petit Sacha est arrivé dans sa vie, il y a un an et demi. « Peut-être, botte-t-il en touche. C’est vrai qu’a priori le métier de chanteur ne s’arrête jamais. Tu as toujours ton disque dans la tête. Mais là, en rentrant chez toi, un bébé te recentre tout de suite sur d’autres priorités. »
L’émotion frontale n’est pas de mise chez Delerm. L’auteur préfère les détours, les sous-entendus quand il convoque son époque au milieu de chansons intimes : le 11 Septembre dans « Allan et Louise », les clivages politiques dans « Un tacle de Patrick Vieira n’est pas une truite en chocolat ». « J’aime l’écriture semblable au Taboo, ce jeu où il est interdit de dire les mots clés. Patrick Vieira est assez codé mais dit surtout que la gauche et la droite, ce n’est pas pareil. »
Sur son précédent disque, il taclait indirectement le futur président Sarkozy dans « Sépia plein les doigts », chanson ironique sur la nostalgie poussiéreuse et le « c’était mieux avant ». « Je me disais : Non, c’est pas possible, ce candidat-là va perdre ! En même temps, j’ai toujours entendu mes parents, tous deux profs, expliquer que c’était plus stimulant d’avoir un gouvernement de droite. Quand ils voyaient le ministère de l’Education passer à gauche, ils se disaient : Oh merde, il y aura moins de manifs ! »
Malgré tout, il ne s’est pas davantage impliqué dans la campagne. « J’ai juste reçu un coup de fil de Cali. Je suis socialiste mais je n’appréciais pas la candidate, trop individualiste pour moi. Et puis ce n’est pas parce qu’on est chanteur que l’on doit être militant. Moi, au bahut, je préférais parler de The Cure que de la droite et de la gauche ! Aujourd’hui, ça me semblerait une imposture de m’impliquer. »
Vincent Delerm sera en concert à Paris à la Cigale tous les lundis du 9 février au 9 mars 2009, et en tournée à partir de janvier.Le Parisien