Et si Vincent Delerm était un mec marrant ?
Tous les journalistes qui ont croisé sa route le disent : Vincent Delerm est un mec sympa. Trop sympa pour être honnête même, limite jovial et salement bourré d'humour. Et il a de quoi être content Vincent, son dernier album intitulé sobrement Quinze Chansons est une perle qui fait déjà le bonheur des amoureux de la première heure et des lecteurs de Télérama.
Lyon Capitale : Vous êtes particulièrement drôle sur scène et, paradoxalement, vos détracteurs vous reprochent d'être assez chiant…
Vincent Delerm : Ça fait finalement mon bonheur parce que dans la vie, les gens qui ne me connaissent pas trop se disent : “oulala, ce mec là, il a l'air sombre, pas très drôle”. Du coup, tout le monde me laisse pénard dans la rue ou dans les restos. Après, les gens qui viennent dans les spectacles découvrent qu'il y a une bonne ambiance. Au début, ce n'est pas vraiment ce que je souhaitais, mais finalement, ça me va bien comme ça.
Même dans la presse spécialisée, on vous adore tout à fait ou on vous déteste carrément !
C'est une idée qui est un peu fausse parce qu'il y a beaucoup de gens qui s'en foutent et je les comprends (rires). C'est un métier où il faut faire parler les curieux : plus ça discute sur vous, mieux c'est. Le fait d'avoir eu pas mal de papiers assez assassins sur mon deuxième disque Kensington Square, ça m'a aidé à rester. Passer à la trappe, c'était ma peur après le premier album. Mais quand on tombe sur une mauvaise critique, c'est énervant pendant dix minutes, puis on passe vite à autre chose.
Vous avez travaillé dans la presse, ça aide à prendre un peu de recul par rapport à la critique ?
J'ai seulement été stagiaire journaliste pour Le Monde pendant deux mois parce que je cherchais une porte d'entrée pour faire des disques. J'étais dans cette optique là. J'ai fait un entretien avec Miossec, mais je n'avais pas dans l'idée de faire une bonne critique. Je me disais qu'à côté de lui, il y aurait peut-être un producteur de chez Pias, sa maison de disque, à qui je pourrais refiler ma maquette.
Et si on avait contraint le stagiaire journaliste du Monde à écrire sur Delerm ?
Je n'ai pas spécialement envie de faire un papier sur moi. On est super mal placé pour ça. Au début, on a envie que les gens perçoivent certaines choses, puis on se rend compte avec le temps qu'il y a forcément un décalage, qui fait partie du jeu, notamment en chanson. Il y a des gens qui vous disent : “tiens, votre truc, ça m'a fait penser à tel album de Bernard Lavilliers”. Alors au début, vous dites : “ben non, pas du tout”. Mais on comprend alors que la chanson est un domaine hyper intuitif. On ne peut pas convaincre quelqu'un qu'une chanson est bonne s'il ne l'aime pas au départ. Voilà, on joue sur l'intuition, on tente sa chance, c'est une loterie.
Vous avez une manière d'écrire très référencée, est-ce que vous avez parfois envie de faire autre chose que du Vincent Delerm ?
Pas tellement. Non pas que je trouve ce que j'écris génial et qu'il ne faut rien y changer, mais j'aime les gens qui se ressemblent un peu d'un album ou d'un livre à l'autre. C'est pour ça que je place souvent quelqu'un comme Souchon devant Gainsbourg. Ce qui est assez rare puisque les gens adorent Gainsbourg et trouvent ça génial de faire un album percussion, puis un album reggae… Je le trouve brillant pour plein de choses, mais je n'ai pas vraiment d'affection pour ça. Dans un autre registre, je trouve Brassens assez fort. Faire tous ses disques avec le même son, une guitare, une contrebasse, ça l'a obligé à faire des chansons différentes. Quand il y a une patte musicale qui est un peu identique, au moins, ça vous pousse dans vos retranchements.
L'appellation “Chanteur du quotidien”, ça vous énerve ?
Ça ne veut pas dire grand-chose à moins d'être dans un univers à la Christophe ou certains titres de Bashung qui sont tellement abstraits qu'on n'y comprend rien. Souvent par quotidien, on entend “les petits suisses dans le frigo”, “je fais mes courses au Franprix”... Mais c'est une fausse idée sur moi, ce n'est pas si présent dans mes textes. Il y a eu un amalgame entre plusieurs chanteurs qui sont arrivés en même temps que moi. Après, effectivement, mon univers est très concret, il correspond à ce qui m'entoure. Et forcément… c'est le quotidien (rires) !
Vincent Delerm. Du 14 au 16 avril au Théâtre de la Croix Rousse, place Joannès Ambre, Lyon 4e.
04 72 07 49 49 - www.croix-rousse.com
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