Vidéo Vincent Delerm est partout avec la sortie de son quatrième album Quinze chansons. Mais est-ce qu’il fait exprès de jouer les quadras alors qu'il est (juste) né en 1976. Conversation à la bonne franquette.
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"Je ne suis que quelqu'un qui fait des chansons"
Puisque les étiquettes, quoi qu'on en dise, sont légion dès lors qu'un artiste devient une personnalité, celle de Vincent Delerm est plutôt du genre collante : «un chanteur bobo-intello, entendu un jour sur France Inter ou chez Drucker, un dimanche après-midi, de passage chez maman. En somme, un trentenaire (il a 32 ans) écouté par les vieux.
Pas spécialement érudit ou fanatique de son travail, on se rend quand même, ce jour là, dans un troquet du XXème arrondissement, après avoir écouté Quinze Chansons, sa quatrième galette, histoire de comprendre l'engouement qu’il suscite et de cerner ses ambitions. Premier constat : Delerm n'est pas aussi vieux qu'il n'en a l'air sur la pochette de son dernier album, où des cheveux blancs sont délibérément au premier plan.
-Mais sérieusement, Vincent, t'as eu le choix de dire « oui ou non » à une photo qui te donne facilement 45 balais ?
-Mais oui, absolument, j'assume complètement. J'aime cette photo, parce qu'en fait, c'est une amie qui l'a prise pendant des vacances, c'était pas du tout fait dans l'optique d'une couverture d'album.
Il sourit et prend la remarque à la rigolade, pas franchement susceptible.
L'impression se confirme quand on lui demande (comme une vanne, bien-sûr) si le titre de l'album ne traduit pas un manque d'inspiration. D'autres auraient pu mal le prendre et le raconter à Taratata. Delerm, lui, explique un peu le concept, en soulignant que finalement, peu importe le format des différents morceaux, ainsi que leur singularité puisqu’on on en revient toujours au même constat :"Ca fait quinze chansons, quoi". Au premier abord, ce n’est pas l'argument le plus convaincant qu’il aurait pu trouver, mais en réalité, la démarche est assez cohérente avec une ambition mesurée, surtout quand il ajoute, un peu plus tard, en sirotant un Coca, "Je ne suis que quelqu'un qui fait des chansons".
Pas un patachon
Bon heureusement, Vincent Delerm n'est pas non plus un patachon : affable, souriant, intéressant (surtout, comme tout le monde, quand il parle de ses centres d'intérêt, le cinéma notamment) et l'œil vif, on ne voit pas trop les minutes s'écouler. Il n'est pas du genre à gesticuler, il a des gestes plutôt précis et regarde ses chaussures quand on lui pose une question à rallonge. Mais il confesse volontiers s'être toujours senti un peu plus vieux que les autres. Sympa, d’ailleurs.
-Bah, quand j'étais à l'Université, j'avais plus le sentiment d'avoir 40 ans dans ma tête, plutôt que mon âge. Donc la pochette d'album rejoint sûrement ça au final.
Quand on lui parle des Victoires de la Musique (lui-même a déjà été élu Révélation de l'année), la seule chose qui semble le séduire, c'est "l'époque où il y avait un grand orchestre, avec des nœuds-pap').
Outre cet attrait pour tout ce qui touche, de près ou de loin au désuet, Delerm botte en touche quand on évoque son côté bobo : "J'ai jamais trop compris les attaques qui m'ont été faites. J'estime qu'il y a dans l'industrie du disque, une logique d'offre et de demande assez large, et que si on n'aime pas quelqu'un, et bien on ne l'écoute pas, et on va voir ailleurs. Je ne vais pas me mettre à changer les références de mes chansons en fonction de ça".
Un gars sympa, en fait. Certes, Quinze Chansons ne tournera pas plus sur mes platines pour autant (écoutez quand même le court mais bon "Le Coeur des Volleyeuses Bat Plus Fort Pour Les Volleyeurs"), mais Vincent Delerm a, au moins, le mérite de garder un cap cohérent avec ce qu'il semble être, en préférant l'indifférence au mépris. Et de faire le bonheur, par la même occasion, de tous les jeunes vieux et des post-quadras qui l'écoutent sur France Inter ou sur RTL.
Matthieu Barbarin